Sapin-épicéa: flambée historique des prix dans l'est

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RW/Fordaq
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Sapin-épicéa: flambée historique des prix dans l'est  
   

Les scieurs et les exploitants forestiers n’ont jamais vu ça ! Les prix des sapins et surtout ceux des épicéas viennent d’atteindre des sommets inconnus dans l’est de la France. Dans le massif des Vosges, très impacté par la crise des scolytes, les récentes ventes de printemps se sont soldées par une grosse bagarre entre acheteurs pour obtenir de la matière première.

En manque de bois, les scieurs alsaciens et vosgiens investissent maintenant le massif jurassien. Ce phénomène s’est vérifié fin mai 2022 à l’adjudication de Champagnole (Jura) où l’ONF présentait un important catalogue totalisant quelque 120000 m3 de bois sur pied (2/3 en sapin, 1/4 en épicéa, le reste en douglas). « Nous avons assisté à une vente historique par l’ampleur de la hausse des cours et par une demande qui a emporté toute l’offre proposée », commente Jean-Luc Felder, le responsable commercial résineux à l’ONF du Doubs.

La barre symbolique des 100 euros par m3 sous écorce et sur pied est désormais franchie pour quelques lots de sapin et par de nombreux articles d’épicéa. Les épicéas qui valaient en moyenne 65 €/m3 à l’automne 2021 à la même mise (voir tableau ci-dessous), se négocient désormais sur la base de 92 €/m3. La hausse semestrielle dépasse donc les 40% avec un plus haut tarif offert par le Vosgien Weisrock à 112 euros/m3 (forêt communale de Bonnétage, Doubs, 499 m3, 8 offres).

Du côté des sapins, la tendance n’est guère différente. Les grumes qui se vendaient en moyenne et sur pied 63 euros/m3 en septembre 2021,  se commercialisent désormais proche de 80 €/m3. Un des plus beaux lots de sapin sur pied a été emporté par le Doubiste Burgunder au prix de 102 euros/m3 (forêt communale de Maison-du-Bois-Lièvremont, 363 m3, 10 offres).

Toutefois, beaucoup de deuxièmes offres s’établissaient souvent et nettement en-deçà de la première ce qui témoigne d’un certain désarroi des acheteurs, surtout chez ceux qui manquent de matière. « Avec des prix de connexes et de sciages au plus haut, les scieurs étaient perdus avant la vente pour fixer leurs tarifs d’où les prix fous que nous avons connus en séance », remarque un Jurassien.

Cependant, l’instant est paradoxal car cette flambée des cours des grumes intervient au moment où le marché des sciages s’essouffle. Les délais de livraison qui étaient encore de 10 à 12 semaines en fin d’année dernière, ont baissé à 4 semaines en ce début juin. La raison principale de cette chute récente des commandes vient des GSB où les stocks s’accumulent.

De fait, les particuliers ont quasiment stoppé leurs achats (prix des sciages trop hauts, salaires déconnectés de l’inflation, activité bricolage-rénovation très forte en 2021…). En conséquence, certains gros faiseurs spécialisés sur ce segment de marché tournent depuis peu en 4 jours sur 5 et, dans certains produits techniques, les tarifs commencent à s’afficher à la baisse.

Dans ce contexte, faut-il s’attendre à une baisse des prix des grumes prochainement ? Pas sûr car la pénurie de bois consécutive à la crise des scolytes pourrait contribuer à maintenir les prix d’achat en forêt à très hauts niveaux. En réalité, avec des cours des madriers-bastaings se maintenant à 330-340 euros/m3, et malgré les surcoûts récents des exploitations forestières, des transports, de l’électricité, de la ferraille et des autres matériaux, la flambée tarifaires des grumes enregistrée dans l’est n’est pas encore dommageable.

En revanche, si les prix des sciages tombent sous 280-300 euros/m3, certains transformateurs estiment que la rentabilité de leurs opérations sera affectée. L’évolution de la demande US, l’inflation en Europe, la construction française, la guerre en Ukraine qui s’éternise…, autant d’éléments hors contrôle pouvant méchamment et rapidement modifier les conditions de marché dans l’Hexagone.

Toutefois, les prix d’achat du moment sur l‘épicéa et le sapin dans l’est doivent être relativisés dans le temps. Directeur commercial à la coopérative CFBL, Alain Prevosto nous rappelle un fait de marché méconnu. « Selon des archives forestières, en 1953 et dans le Massif Central, les sapins, épicéas et mélèzes de 1 m3 se vendaient en moyenne 4 000 F ancien/m3 sur pied soit 82,60 en euros actualisés. Et dans le massif jurassien, les tarifs s’établissaient entre 5 000 F/m3 et 6 000 F/m3 soit 103 euros/m3 ! »

Pour que l’analyse soit vraiment parlante, il faut se souvenir que dans les années 1950, en vendant 1 m3 de résineux le propriétaire forestier pouvait se payer 450 litres d’essence. Aujourd’hui, sur ces mêmes bases de prix de vente (82,60 €/m3), c’est dix fois moins d’essence que délivrera la pompe au consommateur… Le même raisonnement tient aussi pour les autres consommables, les coûts de transports, les énergies, les salaires… Rien n’est permanent en ce bas monde, sauf le changement. 

LES TARIFS DES RÉSINEUX S’ENVOLENT DANS LE MASSIF JURASSIEN

          Prix en euros/m3 sur pied et sous écorce

Robert Wood d’après Résineux de Franche-Comté

Épicéa

3T 2019

3T 2020

2T 2021

3T 2021

2T 2022

Évolution sur 1 an

1,25 m3

-

50,09

52,37

57,12

71,50

+36,5%

1,75 m3

63,18

58,93

55,15

71,81

85,05

+54,2%

2,50 m3

70,19

55,69

64,56

69,11

93,30

+44,5%

3 m3 et +

72,23

56,45

74,68

72,99

101,46

+35 ,9%

Prix moyen épicéa

63,91

58,30

65,52

65,46

91,64

+39,9%

Prix moyen sapin

54,73

51,79

55,06

63,29

77,07

+40%

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